Le coucou

19/09/2022
Le coucou

Le coucou, à la silhouette prolongée d'une longue queue étroite, est parfois confondu avec l'épervier.

LE GRAND ESCOGRIFFE
 
DES LES PREMIERS BEAUX JOURS DU PRINTEMPS, LE COUCOU GRIS EST DE RETOUR. CET OISEAU AUX MŒURS PARASITES A SU DEVELOPPER DES STRATAGEMES POUR FAIRE ELEVER SA PROGENITURE PAR DE MINUSCULES PASSEREAUX.
 
La femelle coucou attend son heure, cachée dans l’épaisse végétation de la roselière. Elle a jeté son dévolu sur un nid de rousserolles effarvattes. Le couple de passereaux quitte sa base, à la recherche de quelques insectes de marais. Erreur fatale ! Il ne faudra pas plus d’une poignée de secondes au coucou pour pondre dans la petite corbeille élevée à fleur d’eau. L’imposteur en profite pour emporter avec lui l’un des quatre œufs de la couvée. Echange standard, en quelque sorte. Pourtant, le crime n’est pas parfait. L’œuf étranger est plus clair et plus gros que les autres. Tant mieux ! Il a plus de chance de plaire à la mère adoptive. Afin que l’objet du délit garde tout de même un volume raisonnable, le coucou pond un œuf qui ne pèse que 2 % de son poids, contre 12 % chez les passereaux. L’habile arnaqueur, qui ne laisse décidément rien au hasard, adapte la taille de son œuf à celle de son hôte. Il sera plus petit dans un nid de rouge-gorge que dans celui d’une pie-grièche grise.
 
 
GARE AUX REPRESAILLES !
S'il est difficile d'observer le mâle, hormis lorsqu'il chante, la femelle, elle, est invisible.
 
Notre femelle est maintenant retournée dans la touffeur des roseaux. Elle dévore en secret l’œuf qu’elle a chapardé. Son travail est loin d’être fini. Elle ne quittera pas les lieux sans être certaine que son œuf a bien été adopté. Plusieurs fois par jour, elle épiera le nid des rousserolles pour s’assurer que tout se déroule selon ses plans, systématiquement accompagnée de son mâle, lors de ses vols de reconnaissance. C’est que la supercherie ne prend pas à tous les coups… Certains oiseaux sont plutôt méfiants. Si l’accenteur mouchet et le cisticole des joncs se montrent assez naïfs, le pouillot siffleur, lui, déjoue l’arnaque sept fois sur dix. Mais jeter par-dessus bord l’œuf étranger comporte des risques. Gare aux représailles ! En Andalousie, on a vu des coucous se venger de pies éjecteuses en détruisant tous leurs œufs et même leurs oisillons.
UN ŒUF CONSIGNE
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Les oeufs peuvent être gris, bleus, verts, rouges ou bruns, avec des marques de couleurs variées.
 
L’usurpatrice demeure attentive au devenir de son futur oisillon unique. L’ornithologue Georges Guichard a observé une femelle retirer son œuf d’un nid en perdition, soucieuse de lui trouver un abri plus accueillant. Il arrive même que le coucou dépose son colis « en attente » dans un poulailler, avant de le reprendre et de le placer dans un nid de passereaux, lorsqu’elle estime que le moment est propice. Il laisse ni plus ni moins son bagage à la consigne ! Revenons à nos charmantes fauvettes des roseaux. Les rousserolles ont couvés tant et si bien qu’un œuf s’apprête à éclore. Qui va naître avant les autres ? Le jeune coucou, bien sûr ! Le parasite a tout prévu. Le moindre temps d’incubation permet à l’oisillon d’occuper en premier la place. Et le petit monstre de 2.6 g à l’éclosion ne va pas chômer. A peine a-t-il vu le jour qu’il va procéder à l’éjection méthodique des autres œufs. Cette expulsion en règle a quelque chose de prodigieux. Comme l’écrit Gérard Ménatory : « comment peut-il avoir la force de se glisser sous un œuf, de le faire glisser sur son dos ? Comment peut-il ensuite grimper à reculons aux parois du nid tout en maintenant sa charge, et, parvenu au bord, projeter son fardeau au dehors ? » En réalité, la peau nue du jeune coucou est extrêmement sensible. Le moindre contact déclenche un processus instinctif d’expulsion. Remplacez l’œuf par une cigarette et le résultat sera identique !
 
OISILLON FRATRICIDE ET PARENTS INDIGNES
 
Glouton, le coucou réclame à ses parents adoptifs l'équivalent de la nourriture de quatre ou cinq oisillions.
 
S’il n’est pas  né le premier, le jeune coucou se débarrassera des oisillons avec la même vigueur, sous le regard indifférent des parents adoptifs qui les laisseront mourir de faim et de froid. Coucou fratricide, parents indignes ? Ne vous y fiez pas. Le parasite solitaire va grossir à une telle vitesse que les rousserolles auraient bien été incapables de nourrir un deuxième rejeton. En vingt jours, il multiplie son poids par trente. Le vorace au gosier rouge vif réclame quarante becquées à l’heure. Pour ne pas perdre de temps, ses parents adoptifs, qui prennent des forces en se nourrissant de lombrics et de chenilles velues, le ravitaillent en vol ou se perchent sur son dos en battant des ailes !
L’ogre pourra mener une vie indépendante vers l’âge de 5 semaines. Il errera aux alentours pour imprégner sa mémoire des grands traits de sa région natale. Et puis, ce sera le départ, en solitaire, vers le sud-est de l’Afrique. Vraiment parti, le coucou ? Une vieille légende raconte que, l’hiver venu, le coucou mâle se transforme en épervier et la femelle en faucon crécerelle. Après tout, rien ne semble impossible à ce grand escogriffe !
 
Cou-cou,                                                                
Cou-cocou !                                                           
Le chant bien connu du mâle comporte deux, voire trois syllabes. On dit qu’il coucoue ou coucoule, aussi bien pour attirer la ou les femelles qu’éloigner ses rivaux et marquer son territoire. On n’entend chanter l’oiseau qu’au printemps, à son retour de migration.